Fragments d'hébétude

A tous les Tartuffe de la part d'une précieuse.

Arthur Citron se contemplait dans le morceau de miroir brisé qui lui servait de glace à l'intérieur
de la petite salle de bain de l'appartement surchauffé.Il dormait mal.Sa conscience en ébullition,il était
en train de se demander à quel moment de sa vie il était devenu un gros connard prétentieux et où il avait
bien pu fourrer son dernier slip propre à défaut d'autre chose...Ouais ça fait un moment que j'ai pas baisé
songea t-il en se coupant un bouton sur le menton qui se mit à saigner tachant sa chemise d'un blanc déjà douteux.
Arthur Citron était un être friable, inadapté.Se décomposant à la moindre contrariété il était souvent colérique et buté.Mal assuré dans ses certitudes et masquant par des sentences assénées doctement sa rage de ne pas exister dans un monde qui se passait fort bien de lui, Arthur avait fini par développer le complexe de l'autruche dans son slip kangourou.Mais ce n'était pas dans du sable qu'il avait décidé d'enfouir son vilain minois...Non,monsieur Citron préférait se dissoudre dans la vie rêvée des anges (très bon film) la tête dans le computer tentant de faire illusion par des formules piochées au hasard de la collection que sais-je tout en caressant dans le sens du poil de jolies oiselles (et non aisselles) en détresse qui s'épanchaient sur la toile en de longs monologues tendres et ennuyeux.
(excuse moi kadine si tu daignes lire mais j'avais besoin d'un adjectif en plus en espérant qu'il ne soit pas de trop.Je raffole de la douceur de ton style caressant.Mince je caresse le poil moi aussi)
En pleine noyade ,Arthur,au lieu de se bouger le cul se raccrochait encore à une vieille paire de couilles fripées dont personne ne voulait plus...Non vraiment personne...
Il sortit de la poche kangourou de son slip la dernière gauloise blonde qui couchait encore contre lui.Le filtre avait le gout rance de la chair nocturne macérée et il le déchira avec les dents avant de le recracher sur le lino.
-Avec une clope je dois pouvoir torcher au moins une page de l'oeuvre ultime murmura t-il.L'oeuvre que personne n'a jamais imaginé... vraiment personne.Un truc fort avec des couilles.....un truc puissant....
Excellent exxxcellent eeeexxxellennnnt excellllent ouiiiiiiiiii exxxxcellentttt...
La journée s'annonçait prometteuse déjà une ligne excellente qu'il n'aurait jamais songé écrire si vite.
L'imagination avait pris le pouvoir dans son esprit enflammé.Il entrevoyait à présent le résultat final.
Une oeuvre excellentissime.Sur sa lancée il poursuivit en inscrivant la ligne suivante :
eeeeexceeeeeeellent eeeeeeeexcellent excelllllllent  excellentissimo.... oui il avait osé le mot ,sa dextérité
à manier l'excellence l'impressionnait lui même.Elle montait en lui comme la sève dans les arbres au printemps.
Il se sentait tout ragaillardi.Allez encore une ligne s'enhardit il :
eeexxxxcccellennnnt exceeeellle...et là tout d'un coup (de tonnerre) en plein milieu d'un mot mastiqué comme un chewing gum pour le rendre malléable, l'éclair de génie...
Et si j'introduisais des fautes orthographiques pour simuler la déchéance de l'excellence...il se pris le front
dans la main de peur de défaillir sous ce coup de génie du destin....
Tendant le doigt vers le clavier il caressa les lettres sérigraphiées blanc sur noir quelques secondes avant
d'oser se lancer...
exelleeeentt   ecccceelleennt  
Pas trop pensa t-il c'est l'exception qui doit confirmer la règle.Il ne pouvait détacher ses yeux de ces quelques lettres affichées à l'écran.Mon Dieu,j'y suis enfin ,je tiens dans ma paume le St Graal tant convoité, je vais enfin devenir....le maitre du joueb.....et bientôt le monde...brillera sous la botte de l'excellence...


Note de l'auteure.
Laissons Citron à ses oignons et imaginons Arthur derrière son pupitre en train de jeter un oeil (de caméléon) sur ma copie inachevée.Après quelques instants d'une lecture studieuse je l'imagine empoignant son tampon de censeur pour frapper (au coin du bon sens) à grands coups sur son bureau de ses lettres fétiches à l'encre rouge : excellent.c'est t'excellent...
J'en ris rien que d'y songer.Mais jaugeant le bonhomme je le verrais plutôt dans la soustraction sans retenue.
Mademoiselle madame (non pas une ingénue) c'est pis que je pensais et de précieuses en ridicules après bien des calculs restera seul le quolibet.(sinon au choix pisseuse ridicule vicieuse ridicule chieuse emmerdeuze etc...comptons sur l'imagination du kon pour trouver la formule adaptée à adopter.)

-- >Interview d'Arthur Citron<--